Les voitures neuves de l'époque : les berlines familiales sont minuscules. Nous n'en avons pas eu bien sur. |

Citroën Rosalie
15 cv, 90 km/h |

Citroën traction avant
11 cv, 95 km/h |

Rosengart LR4N2
19 cv |

Simca 5
12 cv, 90 km/h |

Simca 8
120 km/h |
1940
Papa travaille au ministère des Colonies, puis est mobilisé dans le "train des équipages", la logistique de l'époque. Nous habitons à Brest, dans un des appartements appartenant à la famille de Maman près du square de la Tour d'Auvergne. La poussette s'est modernisée, Goulven porte sa tenue de collégien, y compris la casquette. Je ne sais pas comment Papa est sur cette photo ... |
L'été à Brignogan, plage du Petit Nice. La chambre à air de camion c'était le summum des jeux de plage. |
1941 - 1945 |
J'ai perdu le fil des pérégrinations de la famille. Papa a été prisonnier en Allemagne. Libéré au bout de quelques mois, sur demande du Ministère, il est nommé à Paris. Puis il devient Attaché d'Ambassade à Budapest !
Nous habitons donc Paris où je me souviens de mon premier jour à l'école. Horreur! J'ai hurlé tout du long du chemin, Maman me traînant. A l'arrivée une maîtresse m'a bassiné le visge d'eau fraîche pour essayer de me calmer. La haine de l'école m'a suivi toute ma vie.
Ensuite nous avons habité Brest et, à cause des bombardements qui ont rasé la ville, nous avons migré à Lanvollon, locataires d'une maison qui appartenait à un oncle notaire. Maître Alain Séité, époux de tante Madeleine, sœur ainée de Papa.
|
 |
 |
|
 |
Lanvollon 1943
Eh oui j'ai été enfant de chœur ! |
 |
 |
|
 |
Papa était attaché à l'ambassade de France à Budapest. C'est lui tout à droite de la photo.
Je me souviens seulement de plein de jolis objets qu'il avait rapportés, et d'oranges, que je n'avais jamais vues.
A Noël je lui avais écrit une lettre qu'il avait reçu en janvier. Ma première lettre, pas si mal à cinq ans !
C'est étonnant mais la poste fonctionnait. |
 |
1944 : Mère Courage et ses deux gamins. L'époque a dû être très dure pour elle. Difficile à imaginer de nos jours. Le ravitaillement était rationné et les petits à-cotés durs à trouver. On parcourait la campagne pour demander d'acheter des œufs ou du beurre, ou un morceau de lard. Maman faisait une marmite de soupe, genre pot-au-feu, pour la semaine. Elle cuisait d'abord sur la cuisinière à charbon, et finissait dans la marmite norvégienne ! Tous les soirs, pain rassis trempé dans la soupe, pain noir bien sûr, dessert une pomme. Le sarrau noir, boutonné dans le dos, était la tenue normale pour aller à l'école. Pas de souci de marque à la mode. On avait un jardin potager et même des lapins. Quand les pommes terre avaient beaucoup de feuilles il fallait faire la recherche des doryphores et de leurs larves, sacrée corvée. On était bio sans le savoir.
La grande baie à petits carreaux c'était la cuisine. Un soldat allemand, de garde dans un mirador sur le toit de l'école voisine, nous observait souvent à la jumelle, petite distraction. Eh oui la guerre n'était pas finie, et Lanvollon encore occupée par les Allemands. |
|
Il y avait quand même des fêtes, comme celle où maman avait revétu un costume breton.
Une fête démente dont je me souviens bien, c'est pour la libération en août 1944. Un cortège avait promené dans les rues des mannequins représentant des "collabos" notoires, avant de les brûler sur un tas de paille. J'étais resté dans la rue jusqu'à une heure avancée de la nuit. |
 |
Monsieur Nansot, ami des parents était un riche marchand de vins, qui habitait à 100 m. Il avait une propriété fantastique, chais, poulaillers, pistes de boules, écurie, paturages...
Nous passions parfois la soirée chez eux où Maman allait jouer au Monopoly jusqu'à près de minuit. Le retour à la maison, dans le noir, était angoissant. Une fois il a fallu attendre pour traverser la rue, que des soldats allemands et russes arrêtent de se tirer dessus au pistolet. Ils étaient de chaque coté de la maison, et tous éméchés ! Il y avait quelques Russes blancs dans les troupes d'occupation. |
La situation militaire était restée incertaine quelques jours. Allemands et alliés allaient et venaient. Certains habitants s'étaient découverts patriotes tout d'un coup et avaient exhibé un drapeau français, mais un peu trop tôt pourtant. Une patrouille allemande avait passé après les Américains et tiré sur les fenêtres décorées, à la grande frayeur des courageux patriotes de dernière heure.
Cette période à Lanvollon m'a laissé beaucoup de souvenirs excellents et intéressants. Mon grand frère était très gentil avec moi et me laissait souvent l'accompagner avec ses copains. On a vécu des aventures avec la présence des soldats allemands. Ils nous faisaient peur et nous fascinaient à la fois. On les suivait dans la campagne quand ils allaient à l'entrainement en chantant Heidi heido heida.
L'anecdote la plus mémorable c'est Goulven "prisonnier" des Allemands. Voici l'histoire : le jeudi, nous avions quartier libre tout l'après-midi, et je suivais la bande de copains de Goulven. Quand les soldats allemands partaient faire de l'exercice dans la campagne nous les suivions avec notre char d'assaut, consistant en un vieux cyclo-rameur, avec un tuyau de poêle comme canon. Un jour nous avions devancé les Allemands et les attendions au détour d'un chemin, canon en batterie, prêts à faire exploser un pétard. Long feu ! Goulven, chef de pièce, a regardé par le bout du tuyau, et à ce moment un nouvel essai a fonctionné et il a pris le pétard dans l'œil, presque à bout portant. La bande s'est dispersée au triple galop, dans la panique et Goulven est resté tout seul sur le carreau. En fin d'après-midi, je ne sais pas ce que j'avais raconté à Maman, mais on attendait Goulven. Un gendarme est arrivé, demandant de venir à la gendarmerie pour confirmer si le petit garçon qu'ils avaient chez eux était bien son fils. Maman s'est précipitée, et elle a trouvé son ainé, un gros bandeau sur l'œil, entouré de militaires allemands lui demandant son nom et où il habitait. Goulven, en prisonnier de guerre stoïque, répondait obstinément "Je ne parlerai pas ! " Un brave. Il avait été soigné et son œil fort heureusement n'avait rien. Un ophtalmo allemand, est venu plusieurs de jours de suite pour le voir et refaire son pansement ! Il venait de Rennes, en side-car, conduit par un jeune troufion, séminariste dans le civil.
Des aventures moins dramatiques nous arrivait chaque jeudi, mieux qu'à la télé. On avait une totale liberté, il fallait juste revenir pour manger, ou avant la nuit. Il faut dire qu'il n'y avait pas de circulation, les rues étaient à nous, et on n'avait pas encore inventé les pédophiles, ni la drogue.
|
On passait l'après-midi à la grande plage, où maman nous accompagnait. On venait à pied, donc légers, un panier avec le goûter et une ou deux serviettes et maillots de bain. Le gouter c'était du pain sec avec une barre de chocolat, on aimait bien Il y avait deux piscines d'eau de mer, qui se remplissaient à marée haute, une grenouillière et une grande avec plongeoir. C'est là que j'ai appris d'abord à plonger, puis à nager. |
Le petit frère Alain commence à marcher. |
 |
 |
 |
 |
|
 |
Nous portions des slips de bain en laine bleu marine, tricotés main ! Mouillés et avec un peu de sable dedans ils pendaient lamentablement. Alors on changeait pour le slip N° 2, mais il n'y avait qu'un élastique pour les deux, qu'il fallait donc enfiler au moyen d'une épingle de nourrice. Quand le N° 1 avait séché au soleil, re changement... |
 |
|
1946 - Année importante pour moi puisque j'ai passé six mois en Suisse, dans une pension de famille. Les crises d'asthme périodiques nuisaient à mon développement physique, et mes parents avaient fait le gros sacrifice de m'envoyer pendant six mois en altitude, pour me retaper et peut-être guérir mon asthme. Je n'en suis pas revenu guéri, mais pendant le séjour je n'ai pas eu une crise. En Bretagne c'était environ une mar mois, un jour sans pouvoir faire rien d'autre que respirer. Puis un deux jours pour revenir à la normale.
Pension de Madame Gabu, Villa Les Capucines, à Villars sur Ollon. C'était un village pas loin de la frontière, à 1 280 m d'altitude, l'idéal pour la santé. J'en garde quelques souvenirs très vivants, mais pas très nombreux. J'étais arrivé au mois de mars, et je me souviens me désoler en arrivant au chalet de voir les restes du dernier bonhomme de neige. Nous étions quatre par chambre, des jeunes femmes surveillaient le coucher et nous faisaient la toilette. Chacun à son tour tout nu debout dans tub et savonnage général. La première fois j'étais mort de honte.
|
Pour le voyage il m'avait fallu un passeport et même un visa. Il fallait ensuite un permis de séjour, et l'autorisation d'exporter de l'argent ! Les démarches n'étaient pas simples pour aller en Suisse. On recevait ainsi des coupons "économie de guerre". J'avais été accompagné pour le voyage par des gens de St Quay où nous habitions, qui allaient en Suisse pour des affaires de famille.
|
 |
Papa était à Madagascar et il nous écrivait en nous décrivant des choses qu'on avait du mal à imaginer. On le voit dans une de mes lettres où je lui demande si les nègres avec des lances font la guerre !!!
En passant je note que cette lettre est en français correct, sans faute d'orthographe. Pas si mal à 7 ans et demi.
|
 |
Le retour à la maison avait été un petite épopée. C'est mon grand frère Goulven, 15 ans, qui était venu me chercher. Il avait fait étape à Paris chez des amis puis avait continué jusqu'à la frontière. Là un policier l'avait interpellé, pensant à un gamin en fugue. Juste après la guerre des milliers d'adolescents erraient à travers l'Europe, orphelins ou séparés de leur famille. Goulven l'avait persuadé de sa bonne foi en lui montrant la recette d'andouille que Maman lui avait confiée pour la donner aux amis de Paris. Moi j'arrivais seul en "micheline", où on m'avait embarqué en me disant que mon frère serait là pour m'accueillir à l'arrivée. En fait c'est un policier en civil, qui est venu vers moi et m'a ramené à Goulven. Et nous avons donc repris le train tous les deux dans l'autre sens. A Paris il était prévu que nous passions la nuit, mais Goulven était pressé de rentrer et nous jugea assez en forme pour continuer. Changement de train à Landerneau et tortillard jusqu'à Lesneven, où nous sommes arrivés sans que personne nous attende. On ne téléphonait pas facilement en 1946. Il faisait nuit noire, pas d'éclairage public, et nous sommes remontés jusqu'à la rue Notre Dame en marchant au millieu de la rue et en regardant le ciel plus pâle que le reste pour nous guider ! Maman logeait à ce moment là chez les Laviec, à la pharmacie. |
|
|
|
 |
|